Pages de la section 1
D’écouter le témoignage d’Elena et de sa mère Barbara concernant la dyslexie d’Elena.
A présent, écoutez le témoignage d’Alessandro, exprimant ses difficultés en lecture et en calcul.
Sans identification précoce de leur dyslexie par les enseignants, les élèves dyslexiques risquent d’échouer continuellement à l’école. Ils se démoralisent rapidement lorsqu’ils verront leurs camarades de classe avancer alors qu’eux restent en échec. Les effets à long terme de cette perte d’estime de soi ne doivent pas être sous-estimés. Les jeunes dyslexiques se sentent vaincus par le système éducatif et risquent de ne pas poursuivre leur scolarité. Ils éprouveront des difficultés à trouver de l’emploi. Dans certains cas, ils se marginalisent ; ils ne peuvent s’intégrer à la société, et ils adoptent des comportements antisociaux.
Benjamin Zephania est un poète célèbre anglais sévèrement dyslexique. Il a eu d’énormes difficultés à l’école et a décroché du système scolaire ordinaire car on ne lui a jamais enseigné la lecture et l’orthographe d’une manière qui répondait à ses besoins spécifiques:
« J’ai quitté l’école à l’âge de treize ans et ensuite j’ai eu des ennuis avec la police et je me suis retrouvé dans une école ‘spécialisée approuvée’.
Ecole « approuvée », le nom est très trompeur… il n’y avait pas d’école du tout, et donc en fait lorsque j’ai atteint mes vingt ans je ne savais ni lire ni écrire.
Mais j’ai quand même réussi à créer un livre ; je dis toujours ‘créer un livre’, parce qu’en fait je ne l’ai pas écrit, je l’ai dicté à quelqu’un qui l’a écrit pour moi. »
Veuillez observer et écouter à nouveau Elena, expliquant les conséquences de sa dyslexie sur les relations avec ses pairs en classe, ainsi que sur son estime de soi.
ACTIVITE 1
Avec votre partenaire, lisez attentivement le témoignage d’Eric Woerlhing, un étudiant dyslexique qui a réussi à gérer sa condition, mais seulement après une longue et décourageante lutte à l’école.
Ses besoins spécifiques d’apprentissage n’ont pas été complètement compris, mais il a reçu le soutien de mentors – d’abord de ses parents et ensuite de certains de ses professeurs qui ont su reconnaître ses talents. Grâce à sa confiance en soi ainsi préservée et sauvegardée, il a été capable de lutter et de vaincre les obstacles.
Ainsi, il a poursuivi ses études avec une licence à l’université de Cambridge suivie d’un doctorat à l’université de Liverpool en Grande-Bretagne, ceci afin d’atteindre son but : devenir un analyste financier.
« Mon problème était que je ne pouvais faire certaines choses comme comprendre des organigrammes, lire des cartes ou me souvenir de consignes.
Lors de mon premier jour d’école à Bruxelles, notre première leçon était les mathématiques. On nous a fourni l’emploi du temps pour l’année. J’en ai déduit de manière inexplicable que les mathématiques constitueraient la première leçon de chaque jour de la semaine. J’étais, partiellement en raison de cela, en retard à chaque leçon chaque jour de la première semaine, et fréquemment pour le reste de ma scolarité. Une fois, le professeur a dû organiser une chasse pour me trouver.
Ce qui m’a blessé était le fait que mon interprétation de l’emploi du temps n’était pas illogique a priori, même si elle était certainement étrange, mais que tous les autres savaient automatiquement quelles règles suivre alors que moi pas.
Ainsi, avec la dyslexie, on est souvent dans une situation où l’on se sent exposé aux railleries, comme un soldat à la parade qui tourne à gauche pendant que tout le reste du régiment tourne à droite.
En ce qui me concerne, c’était mes arrivées en retard – ce qui était un rituel attendu par toute la classe : mes entrées attristées ne manquaient pas de provoquer des vagues d’hilarité collective, peut-être compréhensibles.
A cause de cela et d’autres difficultés comparables, je suis devenu un personnage comique aux yeux de mes camarades, mon travail scolaire a été désorganisé et je n’ai pas pu développer mes vraies capacités. Tout cela était extrêmement injuste, car rien ne me paraissait foncièrement irrationnel dans ce que je faisais. J’en éprouvais donc le plus souvent du ressentiment et de l’humiliation. Quand je refais aujourd’hui le même genre de fautes qu’alors, je sens encore une frustration prête à remonter, simplement à cause des sentiments que ces situations évoquent.
Ceci appelle une remarque importante. Bien que les normes d’orthographe et les présentations d’horaires aient souvent quelque chose d’arbitraire, ce sont des choses indispensables à la vie sociale.
…Les dyslexiques doivent aussi apprendre à accepter les conventions de la société et à admettre que ce ne sont pas de simples futilités. À vouloir inventer sa propre manière de faire les choses, on ne peut que s’isoler.
Aux enseignants sans cœur qui peuvent rejeter une belle rédaction sous prétexte qu’elle est remplie d’erreurs dues à la dyslexie, nous pouvons rétorquer que « la lettre tue, mais l’esprit vivifie ». Inversement, au dyslexique qui ne peut comprendre l’intérêt d’orthographier les mots (et ici je vise d’abord mon ancien ego), je répondrai que sans la lettre, l’esprit n’est que du vent.
Il faut que les dyslexiques soient assurés qu’ils ont des choses intéressantes à communiquer, même si ce n’est pas toujours conforme aux conventions linguistiques ou lexicales, mais il n’en demeure pas moins qu’ils doivent apprendre à accepter ces conventions et, si c’est possible, à faire la paix avec le reste du monde.
Pour s’en sortir avec la dyslexie, on dépend totalement des autres, et en même temps, on dépend totalement de soi-même. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui me soutenaient contre vents et marées…J’ai aussi eu des enseignants formidables qui ont su reconnaître les qualités qui se cachaient derrière mon chaos ; par ailleurs, ils ont également su me critiquer avec justesse et m’aider à identifier les faiblesses qui empêchaient mes atouts de se révéler.
En même temps, comme je le disais, on est entièrement responsable de soi-même. La chose la plus importante, c’est de croire en soi, car, pendant des années, on peut faire des efforts pour progresser sans en tirer le moindre résultat ni la moindre considération. Il est alors très facile de tout abandonner. Au contraire, il est important de toujours continuer à croire que les choses finiront par s’arranger.
La deuxième condition du succès, c’est d’avoir de l’ambition. Il faut vraiment consentir à faire des sacrifices et des efforts pour réussir sa vie. L’expression « aller au bout du dernier kilomètre » prend ici toute sa signification. Quand on a corrigé sa copie à, disons 95%, il faut avoir la volonté d’y travailler encore une heure pour parvenir à un taux de correction d’erreurs de 96%, puis de continuer encore jusqu’à la perfection. Que je le doive au fait d’avoir lu et relu mes candidatures d’emploi ou d’avoir lu et relu le dernier chapitre de ma thèse, peu importe : le fait d’aller au bout du dernier kilomètre m’a permis de faire toute la différence entre l’échec et la réussite. »
Avec votre partenaire, discutez et tentez de répondre aux deux questions suivantes :
1) En gardant à l’esprit notre définition de la dyslexie, et par rapport à Elena et Alessandro, qu’est-ce qui vous frappe comme étant l’aspect le plus important de la dyslexie d’Eric ?
En fait Eric décrit qu’il n’avait pas de difficultés à lire et à écrire, mais uniquement à orthographier ! Ses difficultés majeures concernaient l’organisation dans l’espace et dans le temps.
D’autre part, Elena et Alessandro rapportent de grandes difficultés avec la lecture et l’écriture, mais ne rapportent pas de difficultés dans le traitement des tables de multiplication, ni dans le traitement des informations spatiales ou temporelles.
Il faut noter cependant que les performances en lecture et en écriture ne peuvent être uniquement définies, et mesurées, en termes d’exactitude, mais doivent également prendre en compte le critère de rapidité ou de fluence. En raison du fait que la dyslexie implique toujours des difficultés avec le traitement rapide et/ou exact du langage écrit, il est fort probable que même si Eric pouvait lire en commettant peu ou pas d’erreurs, il était probablement plus lent pour réaliser ces tâches que des personnes non dyslexiques.
Ces trois témoignages illustrent clairement le fait que la dyslexie comporte de multiples facettes, et se manifeste de manières différentes chez différentes personnes.
2) Dans la dernière partie du témoignage, qu’est ce qui apparaît le plus clairement comme étant nécessaire pour faire face à la dyslexie et pour réussir, selon Eric ?
Ce qui nous frappe est qu’Eric décrit deux choses que les personnes dyslexiques doivent développer et cultiver afin de faire face à leur condition :
Ils ont besoin d’être soutenus, comme Eric l’a été par ses parents et par certains de ses professeurs, mais en même temps, ils doivent croire en eux-mêmes car souvent ils ne seront pas reconnus ou n’obtiendront pas de résultats malgré leurs efforts.
Ils doivent développer de l’ambition et de la détermination car la plupart du temps ils devront faire plus d’efforts que les autres pour au moins certaines tâches impliquant le langage écrit.