1.3. Qu’est-ce qui cause la dyslexie?

Comme mentionné dans la définition de la dyslexie, cette condition est neurobiologique ou liée au cerveau. En d’autres mots, le cerveau des enfants et des adultes dyslexiques ne fonctionne pas de la même manière que celui d’enfants et d’adultes non dyslexiques.

Cette vérité est maintenant absolument indiscutable. Des techniques modernes puissantes d’imagerie cérébrale, qui permettent non seulement de prendre des « photos » de n’importe quelle partie du cerveau, mais aussi de localiser quelles régions du cerveau sont activées lors de la lecture ou d’autres activités, ont confirmé des études vieilles de plus de 50 ans qui avaient montré que le cerveau de personnes dyslexiques se développait et s’organisait de manière différente que celui de personnes non dyslexiques.

Pris ensemble, cet amoncellement grandissant de preuves montre sans aucun doute les enfants et les adultes dyslexiques activent d’autres régions de leurs cerveaux lorsqu’ils lisent des mots par rapport à des enfants et adultes non dyslexiques lisant les mêmes mots dans les mêmes circonstances.

Les causes, de même que la nature de ces différences, restent cependant peu claires.

Ce que l’on peut dire est que, puisque « la dyslexie n’est pas une catégorie unique mais un désordre se manifestant au sein d’un spectre de déficits » (professeur Maggie Snowling, Université de York, Grande-Bretagne), et puisque la combinaison de ces déficits varie d’une personne dyslexique à l’autre, il n’existe pas de cause « unique » à la dyslexie. De manière cohérente, les études montrent des patrons de développement et de fonctionnement divers parmi les personnes dyslexiques.

Il existe de nombreuses hypothèses concernant les raisons pour lesquelles les personnes dyslexiques se développent et fonctionnent différemment.

L’une d’entre elles est que les nombreux circuits et connexions nécessaires à la lecture ne fonctionnent pas de manière optimale ou n’ont pas été stimulés de façon optimale. Pour avoir une idée du nombre de réseaux complexes nécessaires pour lire même un seul mot, regardez ce diagramme du professeur Stanislas Dehaene, qui, comme il le dit lui-même, est une simplification !

Diagramme image

Traduction du texte du schéma :

  • orange : accès à la prononciation et à l’articulation
  • jaune : attention focale et lecture sérielle
  • vert : accès à la signification
  • rouge : région de la forme visuelle des mots (la boîte à lettres du cerveau)
  • bleu : entrées visuelles

Si n’importe quel réseau, ou n’importe quelle région du cerveau connectée par ces routes ne fonctionne pas de manière efficace, des problèmes peuvent se présenter.

Cliquez ici si vous voulez voir la présentation complète du professeur Dehaene (texte en français, illustrations en anglais, 4.4Mb) donnée lors d’une conférence en ligne organisée par Dyslexia International et illustrée de données neuroscientifiques fascinantes

PDF icon Professeur Dehane présentation

Une autre hypothèse, qui n’est pas incompatible avec la précédente, est que les neurones qui forment les circuits entre les régions du cerveau impliquées dans la lecture ne se sont pas développés et n’ont pas migré jusqu’à leur destination exacte en raison d’un codage génétique erroné.

Des manquements peuvent résulter d’une nutrition insuffisante, de déficiences immunitaires, d’impacts environnementaux ou d’autres causes.

En somme, il est évident que des différences significatives existent entre le développement et le fonctionnement du cerveau des personnes dyslexiques et celui des personnes non dyslexiques, même si les causes exactes de ces différences restent inconnues.

Bien que ces différences impliquent des difficultés avec le développement et la maîtrise des habiletés de lecture et d’écriture, et souvent avec d’autres habiletés, il existe une autre facette à la dyslexie. Le fait que le cerveau des enfants et adultes dyslexiques fonctionne différemment confère à certains, si pas à beaucoup, d’autres manières de percevoir, de comprendre et de penser. Lorsque l’on parle des personnes dyslexiques, beaucoup utilisent l’expression « penser en dehors des sentiers battus ». Ceci se traduit souvent par des habiletés créatives, non conventionnelles et parfois supérieures.

Suivant cette ligne de pensée, certains chercheurs et praticiens préfèrent dire que les différences entre les cerveaux des personnes dyslexiques et ceux des personnes non dyslexiques représentent différentes facettes de la neurodiversité qui est inhérente à la nature humaine.

Facteurs génétiques

Des enquêtes impliquant plusieurs centaines de familles montrent que certaines formes de dyslexie sont héréditaires. Des études menées sur des vrais jumeaux montrent que ces individus présentent des performances de lecture plus similaires que des faux jumeaux de même sexe.

Dans la même famille, si une personne est dyslexique, la probabilité qu’un de ses proches soit aussi dyslexique est de 50%. Cependant, cela ne veut pas dire que les deux personnes montreront les mêmes traits de dyslexie, ou que leur dyslexie montrera le même degré de gravité.

Les experts sont en désaccord en ce qui concerne la prévalence de la dyslexie parmi les garçons et les filles. Certains disent que la dyslexie est plus fréquente chez les garçons que chez les filles ; d’autres disent que la dyslexie est simplement plus fréquemment diagnostiquée parmi les garçons que parmi les filles mais que son incidence est la même pour les deux sexes.

Facteurs liés au cerveau

Les études d’imagerie cérébrale modernes montrent sans aucun doute que le cerveau d’enfants dyslexiques doit s’être développé différemment que celui d’enfants non dyslexiques. Le plus frappant, et qui est observé dans pratiquement toutes les études, est qu’il y a relativement moins d’activation dans une région spécialisée du cerveau, généralement dans l’hémisphère gauche, lorsque l’enfant ou l’adulte dyslexique essaye de lire. Par conséquent, l’asymétrie marquée entre les hémisphères cérébraux, observée chez les personnes non dyslexiques, n’est pas observée parmi les personnes dyslexiques.

Plus précisément, la plupart de ces études montrent une sous-activation dans la zone temporale gauche dans deux régions :

  • Le cortex latéral temporal, qui est responsable du traitement des représentations du langage parlé (sons et mots), appelées représentations phonologiques
  • La région temporale plus basse qui fait partie d’un circuit visuel « inférieur » et qui est proche du cortex occipital à l’arrière du cerveau, qui est responsable de la vision

Ces observations soutiennent la théorie d’un double déficit : visuel et phonologique. En bref, dans le cerveau des personnes dyslexiques, différentes régions-clés pourraient ne pas suffisamment être activées à la fois au niveau de l’analyse visuelle et au niveau du traitement phonologique.

Afin d’étudier la sous-activation anormale de cette partie du cerveau chez les personnes dyslexiques, les chercheurs ont aussi examiné l’organisation physique ou anatomique du cerveau. Ils ont utilisé une technique qui détaille de manière microscopique les couches ou parties du cortex. Cette technique montre que chez les personnes dyslexiques, il semble exister des désorganisations dans la région temporale gauche. Ces désorganisations surviennent car certains neurones ne sont pas à leur place. Soit ils n’ont pas migré jusqu’à leur destination finale durant le développement du cerveau, soit ils ont migré vers des localisations erronées. Ces sites sont appelés « ectopies ».

Une technique très récente qui peut donner des images de l’activation des connexions à longue distance entre les régions du cerveau, appelées les fascicules, montre qu’il existe aussi un certain degré de désorganisation dans certains de ces circuits.

Autres facteurs

Des facteurs nutritionnels durant la grossesse de la mère, et dans la petite enfance de l’individu sont également impliqués, de même que la résistance immunologique chez le fœtus.

Les problèmes ne résident pas toujours dans le cortex cérébral. Le cerveau doit contrôler la trajectoire exacte de la partie centrale la plus sensible de l’œil lorsque nous lisons. L’un des circuits de l’œil vers le cortex cérébral, composé des nerfs « magnocellulaires » qui réagissent rapidement à la détection de la lumière et du mouvement, et ainsi des réponses motrices, peut également être endommagé. De même, les voies auditives magnocellulaires peuvent être compromises et ceci affecte la sensibilité aux sons. Ces facteurs affectent en fin de compte la rapidité du traitement qui est nécessaire à l’intégration des informations de nos sens et à la coordination du comportement.

Il existe aussi des preuves du fait que d’autres structures subcorticales comme le cervelet (« petit cerveau ») sont impliquées car elles sont nécessaires au contrôle de la motricité fine, à l’automaticité et même à la mémoire. Un autre ensemble de structures subcorticales, appelées les ganglions basaux, peuvent aussi être impliquées car elles interviennent dans l’initiation et la suppression du mouvement.

Certains enfants sont hypersensibles à certaines longueurs d’onde de lumière. La lecture est donc physiquement stressante.

Pour une bonne présentation succincte des facteurs, et en particulier de la théorie magnocellulaire, cliquez ici pour cherchez (en anglais) du professeur John Stein de l’Université d’Oxford, qui est président du Comité Scientifique de Consultation de Dyslexia International. Veuillez noter que les glossaires et les extensions des abréviations et acronymes ne sont pas fournies.

Fawcett et Nicolson concluent que « les recherches ultérieures pourraient révéler un sous-type magnocellulaire, un sous-type cerebellaire, et divers sous-types mixtes. »

Conclusions

Ces quelques notes montrent la complexité du sujet.

Une personne peut souffrir d’un ou de plusieurs de ces déficits dans une mesure plus ou moins grande. La dyslexie se manifestera alors de différentes manières et selon différents degrés.

Il y a deux messages importants :

  • A ce stade, un esprit ouvert sur les causes des divers types de dyslexie est prudent.
  • En pratique, durant votre expérience d’enseignant, vous en viendrez à apprécier la neurodiversité de tous vos élèves et les types de diversité particuliers des enfants dyslexiques.