2.4.2 Epreuves informelles non étalonnées

Si vous ne pouvez examiner les performances d’un (ou plusieurs) élève(s) de votre classe au moyen des tests étalonnés présentés ci-dessus, vous pouvez le faire au moyen de nombreuses autres activités pronostiques. En plus de confirmer vos impressions ou non, ces activités vous aideront à identifier les forces et les faiblesses de l’élève, et par conséquent à adapter votre enseignement à ses besoins.

Voici une liste non exhaustive d’activités dans lesquelles les élèves dyslexiques présentent généralement des difficultés :

  • – les épreuves d’habiletés de traitement phonologique : la capacité à se représenter et à manipuler les unités phonologiques comme les syllabes, les unités d’attaque-rime et en particulier les « sons ». Ces tests examinent la conscience phonologique, qui est la conscience du fait que les mots et les phrases parlés peuvent être analysés en unités de « sons » plus petites que le mot.
  • – Les habiletés de lecture et d’orthographe de mots réguliers, irréguliers, et de pseudo-mots (séquences de lettres sans signification)
  • – La compréhension des textes
  • – D’autres domaines essentiels aux activités de lecture et d’écriture comme la mémoire à court terme auditive et visuelle, de même que la nomination rapide
  • – Les habiletés de séquençage

Epreuves examinant la conscience phonologique

c’est-à-dire la capacité à analyser les mots parlés en unités de « sons », et à manipuler ces unités

 

Comme mentionné dans la section 1, les habiletés de traitement phonologique sont déficitaires chez la plupart des enfants dyslexiques. En particulier, des déficits au niveau de la conscience phonémique les empêchent d’établir les relations entre les « lettres » et les « sons », ce qui constitue la base du développement des mécanismes de lecture.

Le développement du décodage, tant en lecture qu’en orthographe, implique la capacité :

  1. à segmenter les mots parlés ou écrits en unités les plus petites possibles – les « sons » ou phonèmes, et les « lettres » ou graphèmes
  2. à recoder ces unités selon un format correspondant à une autre modalité sensorielle (de « l’écrit » à « l’oral » pour la lecture et vice versa pour l’orthographe)
  3. à assembler ces petites unités de manière à prononcer ou à orthographier le mot correctement

Une ou plusieurs de ces habiletés peuvent être déficientes chez les enfants dyslexiques.

En utilisant des tests examinant la conscience phonologique, vous pourrez déterminer si l’enfant a des difficultés à segmenter les mots parlés en unités phonologiques et/ou à manipuler et à assembler ces unités pour fournir la réponse attendue.

Les tâches utilisées pour examiner les habiletés de traitement phonologique sont nombreuses et varient en termes de matériel (nature de l’unité phonologique examinée, mots ou pseudo-mots) et d’exigence cognitive. On peut considérer grossièrement que plus l’unité linguistique examinée est petite (syllabe, attaque-rime, phonème), plus la tâche est difficile ; et que les différentes activités examinant les habiletés de traitement phonologique peuvent être classées selon l’ordre de complexité croissant repris ci-dessous.

Les activités que vous sélectionnez doivent toujours prendre en compte l’âge de l’enfant ainsi que le niveau de ses habiletés de traitement phonologique. Il vaut toujours mieux commencer avec une activité simple comportant des items courts que l’élève réussira et qui le mettra à l’aise, pour ensuite passer à des activités plus complexes avec des mots plus longs, que de directement utiliser une activité difficile qui pourrait mettre l’élève en échec.

Pour examiner si l’élève peut réaliser le(s) traitement(s) phonologique(s) que requiert chaque activité, on présente généralement entre 10 et 20 items.

Lorsque vous travaillez avec des phonèmes, vous devez toujours vous assurer de prononcer des sons purs et d’induire l’élève à en faire autant.

En particulier, il faut veiller à prononcer les consonnes isolément sans les faire suivre d’une voyelle, si faible soit-elle. Ainsi, le phonème correspondant à la lettre < t > est [ t ] et non [ teuh ] ; le phonème correspondant à la lettre < s > est [ s ] et non [ seuh ] ; etc.

ACTIVITE 6

Pourquoi pensez-vous qu’il est tellement important de produire et d’induire l’enfant à produire les phonèmes isolément ? Discutez-en avec votre partenaire de cours et comparez votre réponse à la nôtre.

Car les phonèmes sont des unités abstraites (cf. section 1), dont l’enfant doit prendre conscience et qu’il doit se représenter explicitement pour apprendre à lire et à orthographier. Si l’enfant pense que le phonème correspondant à < s > est [ seuh ], en fait il se représente cette unité comme étant une syllabe et non un phonème (par exemple, [ seuh ] est une syllabe du mot < secouer >). Par conséquent, il lui sera difficile de comprendre le principe alphabétique et de mettre en place le système de décodage, par exemple pour lire le mot < sac > (qu’il transcodera comme [ seuh-ah-keuh ] et non [ sak ]).

La conscience phonémique ne se développe pas spontanément, en particulier chez les dyslexiques ; c’est pourquoi il est essentiel d’apprendre aux enfants à pouvoir analyser les mots parlés en phonèmes (voir section 3).

Génération

La tâche la plus simple consiste à demander à l’enfant de générer un ou plusieurs mot(s) contenant la même unité linguistique que l’unité cible.

  • Exemple : syllabe
    « Peux-tu penser à un mot qui commence par [ ba ], comme dans le mot [ banan ] ? » Réponse : par exemple [ balon ] ou [ baron ], mais attention pas [ balcon ], dont la première syllabe est [ bal ].

ACTIVITE 7

Avec votre partenaire de cours, imaginez des exemples d’items pour examiner la capacité de l’enfant à générer une rime, une attaque et un phonème. Attention, veillez à bien distinguer les différentes unités linguistiques. Comparez ensuite vos réponses avec les exemples que nous suggérons.

Remarque : lorsque vous désirez examiner la capacité de l’élève à se représenter et/ou à manipuler une unité linguistique spécifique, il faut bien veiller à ne pas confondre divers niveaux d’unités linguistiques. Par exemple, si vous voulez examiner la capacité de l’enfant à générer des attaques, il faut utiliser des mots qui commencent par au moins deux consonnes successives (ex. [ tr ], [ pr ], [ str ], [ spr ], etc.).

En effet, si vous utilisez des mots commençant par une seule consonne (ex. [ lak ]), l’unité que vous demandez de générer est non seulement une attaque mais aussi un phonème ([ l ]); ainsi, vous confondez deux types d’unités linguistiques. Dans les exemples qui suivent, nous avons veillé à ne pas confondre divers niveaux d’unités linguistiques.

  • Rime
    « Peux-tu trouver un mot qui se termine par [ ak ], comme dans le mot [ lak ] ? » Réponse : par exemple [ bak ] ou [ sak ].
  • Attaque
    « Peux-tu penser à un mot qui commence par [ br ], comme dans le mot [ brun ] ? » Réponse : par exemple [ bra ] ou [ brik ].
  • Phonème
    « Peux-tu me dire un mot qui se termine par [ l ], comme dans le mot [ bol ] ? » Réponse : par exemple [ sol ] ou [ kol ].

Détection

Cette tâche consiste à présenter à l’enfant des triades de mots et à lui demander de trouver l’intrus. Elle est plus complexe que la génération car elle met en jeu la mémoire auditive à court terme.

  • Exemple 1 : syllabe
    « Quel mot ne commence pas comme les deux autres : [ marché ], [  marteau ], [ vilag ] ? » Réponse : [ vilag ]
  • Exemple 2 : rime
    « Quel mot ne se termine pas comme les deux autres : [ bal ], [ lir ], [ sal ] ? »
    Réponse : [ lir ].
  • Exemple 3 : attaque
    « Peux-tu me dire quel mot n’a pas le même début que les deux autres : [ stop ], [ pla ], [ plu ] ? » Réponse : [ stop ].
  • Exemple 4 : phonème
    « Peux-tu me dire quel mot n’est pas le même que les deux autres au tout début: [ kri ], [ froi ], [ kru ] ? » Réponse : [ froi ].

ACTIVITE 8

On peut aisément rendre une tâche de détection plus difficile en augmentant la ressemblance de l’intrus avec les deux autres items. Les quatre exemples présentés ci-dessus sont faciles car l’intrus est facilement discriminable des deux autres mots. Avec votre partenaire de cours, imaginez des exemples d’intrus plus difficiles, donc moins facilement discriminables des deux autres mots, pour ces quatre exemples. Comparez ensuite vos réponses avec les exemples que nous suggérons.

  • Exemple 1 : syllabe.
    Par exemple [ balcon ], qui partage la même voyelle que les deux autres mots, ou [ malgré ], qui partage les deux premiers phonèmes.
  • Exemple 2 : rime.
    Par exemple [ mar ], qui partage la même voyelle, ou [ vil ], qui partage la même consonne finale.
  • Exemple 3 : attaque.
    Par exemple [ pri ], qui partage la même consonne initiale, ou [ klou ], qui partage la même consonne finale de l’attaque.
  • Exemple 4 : phonème.
    Par exemple [ tri ], qui ressemble fort à [ kri ], ou [ gru ], qui ressemble fort à [ kru ].

Concaténation

Cette activité consiste à demander à l’enfant de concaténer (assembler) des unités linguistiques pour former un mot. Elle est plus difficile que les précédentes car elle implique non seulement la mémoire auditive à court terme mais elle nécessite également des habiletés de manipulation (séquençage et concaténation).

On peut présenter cette activité (ainsi que la suivante) sous forme de jeu en disant par exemple à l’enfant que l’on va parler comme un robot un peu détraqué et qu’il va devoir trouver les mots que l’on prononce. Il est important de faire une pause suffisamment longue (une seconde) entre chaque partie prononcée.

  • Exemple 1 : syllabes
    « Peux-tu me dire le mot que l’on obtient lorsqu’on colle ces quatre morceaux ensemble [ té ]-[ lé ]-[ vi ]-[ zion ] ? » Réponse : [  télévizion ].
  • Exemple 2 : attaque-rime
    « Quel est le mot que l’on obtient lorsque l’on assemble les deux morceaux [ tr ] et [ ap ] ? » Réponse : [ trap ].
  • Exemple 3 : phonèmes
    « Quel mot obtient-on si on colle ensemble les sons [ k ]-[ a ]-[ n ]-[  a ]-[ r ] ? »
    Réponse : [ kanar ].

Segmentation

Ici, on demande à l’enfant d’effectuer l’activité inverse de la concaténation : on lui fournit un mot et on lui demande de le segmenter en unités phonologiques.

ACTIVITE 9

Avec votre partenaire de cours, trouvez des exemples d’items pour les trois unités linguistiques principales (syllabe, attaque-rime, et phonème) et présentez-les dans une tâche de segmentation.

  • Exemple 1 : syllabe.
    « Peux-tu découper le mot [ baluchon ] en trois morceaux ? »
    Réponse : [  ba ]-[ lu ]-[ chon ].
  • Exemple 2 : attaque-rime
    « Peux-tu découper le mot [ truk ] en deux morceaux ? »
    Réponse : [ tr ]-[ uk ].
  • Exemple 3 : phonème.
    « Peux-tu découper le mot [ mangé ] en les plus petits morceaux que tu peux ? »
    Réponse : [ m ]-[ an ]-[ g ]-[ é ].

Suppression

Cette activité consiste à demander à l’enfant de soustraire une unité linguistique d’un mot. Elle est plus complexe que les précédentes car elle exige un plus grand degré d’abstraction des unités linguistiques.

  • Exemple 1 : syllabe
    « Dis [ kanal ]…Maintenant dis-le de nouveau sans le [ ka ] »
    Réponse : [ nal ].
  • Exemple 2 : phonème
    « Dis [ duk ]…Maintenant dis-le de nouveau sans le [ d ] »
    Réponse : [ uk ].

Substitution

Dans cette activité plus complexe que la précédente, l’enfant doit non seulement isoler l’unité cible et la supprimer, mais doit également maintenir le reste du mot en mémoire à court terme et y ajouter l’unité qui remplace la précédente.

  • Exemple 1 : attaque
    « Qu’arrive-t-il au mot [ frèr ] si l’on remplace [ fr ] par [ tr ] ? »
    Réponse : [ trèr ].
  • Exemple 2 : phonème
    « Qu’arrive-t-il au mot [ lak ] si l’on remplace [ l ] par [ s ] ? »
    Réponse : [ sak ].

Fusion de phonèmes (acronymes)

Cette activité est la plus complexe étant donné qu’elle exige d’isoler le premier phonème de deux mots, de les maintenir en mémoire à court terme, et de les concaténer.

  • Exemple :
    « Si tu prends le tout premier son des deux mots [ bèl animal ] et que tu les mets ensemble, qu’obtiens-tu ? »
    Réponse : [ ba ].