2.4.3 Compréhension de l’écrit

Sélectionner un texte pour examiner la compréhension

Pour pouvoir examiner le niveau de compréhension d’un texte et effectuer une analyse d’erreurs adéquate, l’enseignant doit bien connaître le niveau de lecture de l’enfant afin de sélectionner un matériel approprié.

Nous nous baserons sur les conseils formulés par le Dr. Bévé Hornsby, ainsi que par Lauren Leslie et JoAnne Caldwell, quant à l’évaluation de la compréhension d’un texte et l’examen des erreurs commises par le lecteur.

Selon le Dr. Hornsby, il faudrait sélectionner un passage de livre. Le texte devrait pouvoir être lu par l’élève relativement facilement mais ne doit pas être trop facile, de manière à générer suffisamment d’erreurs à analyser (environ 25).

1. Formule FORECAST

Picture of the formula

Où N est le nombre de mots d’une syllabe dans un passage de 150 mots.

2. FOG index

Picture of the formula

A = nombre de mots dans un passage

n = nombre de phrases

L = nombre de mots comportant trois syllabes ou plus (en excluant les fins de verbes à l’infinitif comme –er)

3. Formule FLESCH

Picture of the formula

S = nombre total de syllabes dans 100 mots

W = nombre moyen de mots par phrase.

Ce score ne fournit pas un âge de lecture mais peut être converti en utilisant le tableau ci-dessous.

ScoreReading Age
score > 705 + (150-score) divided with 10
60 < score < 70
50 < score < 60
score < 50

Evaluation de la compréhension

Leslie et Caldwell se basent sur quatre résultats issus de recherches scientifiques pour proposer une méthode d’estimation de la compréhension d’un texte :

  • – le fait que durant toute la scolarité primaire, les textes narratifs (concentrés sur le déroulement dans le temps) sont plus faciles à rappeler et à comprendre que les textes expositifs (associés à l’analyse et à la synthèse de représentations conceptuelles)
  • – le fait que les lecteurs ayant davantage de connaissances préalables sur le sujet traité dans le texte rappellent et comprennent mieux ce texte que les lecteurs ayant moins de connaissances préalables sur le sujet
  • – le fait que les lecteurs en difficulté comprennent mieux lorsqu’ils lisent oralement que lorsqu’ils lisent silencieusement ; et que chez ces lecteurs les temps de lecture suivant ces deux modalités sont relativement similaires, ce qui témoigne d’un manque d’automaticité dans la reconnaissance des mots. En effet, les bons lecteurs lisent plus vite silencieusement qu’oralement
  • – le fait que les lecteurs en difficulté exploitent de moins bonnes stratégies de repérage pour résoudre des difficultés de compréhension que les bons lecteurs

Sur base de ces résultats, Leslie et Caldwell proposent les étapes suivantes pour examiner la compréhension d’un texte:

  • i) Evaluer les connaissances préalables de l’élève sur le sujet du texte, par deux moyens :
  • – une tâche examinant les connaissances conceptuelles préalables relatives au texte, consistant à poser au moins quatre questions en rapport avec les concepts abordés dans le texte, et à attribuer à chaque réponse une note comprise entre 0 et 3 selon la qualité de la réponse (synonyme, exemple, etc.).
  • – une tâche de prédiction, consistant à demander à l’élève : « Puisque le titre du texte est … , et qu’il inclut les idées de …, … et… (nommer tous les concepts abordés dans la tâche précédente), de quoi penses-tu que le texte va parler ? Je veux que tu essayes de deviner ou que tu fasses une prédiction sur ce dont le texte va parler. » Il faut compter le nombre de propositions (verbe et nom) que l’élève prédit et qui font explicitement ou implicitement effectivement partie du texte.
  • Le « résultat » ainsi obtenu donnera une estimation des connaissances préalables de l’élève sur le sujet dont traite le texte. Pour obtenir un pourcentage approximatif de ces connaissances, vous pouvez diviser le total des points obtenu aux questions conceptuelles et le nombre de propositions faisant partie du texte par le nombre maximum possible (dans ce cas-ci, étant donné que l’on pose 4 questions conceptuelles et si l’enfant fournit 4 propositions, le nombre maximum possible est de 12 + 4 = 16).
  • Sachez que dans l’étude menée par Leslie et Caldwell, les élèves qui obtenaient au moins 55% dans cette première partie obtenaient au moins 70% pour les questions de compréhension après lecture du texte (p. 48).
  • ii) Présenter le texte à l’élève en lui disant qu’il doit vous lire l’histoire tout seul sans votre aide. Si le niveau du texte est approprié, l’élève devrait pouvoir lire le texte seul même s’il commet de nombreuses erreurs ; par contre, si l’élève se coince totalement, stoppez immédiatement et présentez-lui un texte légèrement plus simple. Gardez en tête que certains élèves, en particulier les dyslexiques, n’aiment pas du tout lire à haute voix ; dès lors, faites tout pour les mettre à l’aise et si nécessaire, laissez-les s’entraîner durant quelques secondes avec un autre texte avant de leur présenter le texte cible.
  • Signalez à l’élève que vous allez l’enregistrer et prendre des notes pendant qu’il lit car vous ne pouvez pas vous rappeler de tout ce qu’il dira, et qu’il devra ensuite rappeler l’histoire et répondre à des questions s’y rapportant.
  • Vous devez essayer de ne pas montrer à l’élève (verbalement ou non verbalement) lorsqu’il commet une erreur, et vous devez éviter de lui « souffler » un mot à moins que ce soit nécessaire. S’il refuse de lire un mot, encouragez-le à deviner.
  • Vous devez préparer une photocopie du texte que l’enfant lit afin de noter les erreurs, mais vous ne pourrez probablement pas toutes les noter, c’est pourquoi il faut également enregistrer afin de pouvoir réécouter cette lecture. Ceci est d’autant plus vrai qu’il faut également observer l’élève durant la lecture et noter les comportements de lecture qui ne seront pas déductibles de l’enregistrement (signes de tension, sub-vocalisations, utilisation du doigt pour suivre la ligne, etc).
  • Finalement, vous devez coder et analyser les erreurs (voir infra)
  • iii) Evaluer la compréhension du texte, par deux moyens :
    • – demander à l’élève de rappeler l’histoire avec ses propres mots, comme s’il la racontait à quelqu’un qui ne l’a jamais lue : vous aurez constitué au préalable une liste des éléments du texte, dans laquelle vous pouvez cocher ce que l’élève rappelle.

      A nouveau, il est préférable d’enregistrer le rappel afin de pouvoir le réécouter.

      Le rappel peut fournir des informations qualitatives pertinentes car vous pouvez l’utiliser pour répondre aux questions suivantes :

      • Est-ce que le rappel de matériels narratifs conserve la structure de base d’un texte narratif? Est-ce que les informations les plus importantes sont incluses ?
      • Est-ce que le rappel de matériels expositifs conserve l’idée centrale et les détails qui l’étayent ? Est-ce que les informations les plus importantes sont incluses ?
      • Est-ce que le rappel est séquentiel ?
      • Est-ce que le rappel est exact ?
    • – poser des questions sur le texte, qui peuvent être :
      • Explicites : dont la réponse est fournie directement dans le texte, pour examiner la compréhension et la rétention
      • Implicites : pour lesquelles l’élève doit utiliser des indices du texte pour répondre, afin d’examiner les habiletés d’inférence
  • iv) Examiner les stratégies de complétion de l’information
  • Il est impossible de savoir si une réponse incorrecte ou manquante résulte d’un problème de compréhension ou de mémoire.
  • Ainsi, après avoir posé les questions et déterminé le niveau de compréhension, vous pouvez représenter le texte à l’élève et lui demander s’il peut localiser les réponses qui étaient manquantes et/ou corriger les réponses erronées.
  • Si l’élève peut le faire, il a probablement compris le texte. S’il montre des difficultés à le faire, vous pouvez par exemple lui fournir la réponse correcte et lui demander de trouver dans le texte l’indice qui fournit cette réponse (pour vérifier s’il peut repérer cet indice), ou bien vous pouvez lui montrer l’indice et voir s’il parvient à trouver la réponse correcte. Ces procédures fournissent des informations qualitatives utiles, étant donné que les lecteurs en difficulté pourront moins bien repérer les indices et réponses que les bons lecteurs.

Analyse des erreurs

Les erreurs produites par l’élève fournissent de précieux renseignements sur ses stratégies de lecture en contexte. Le Dr. Hornsby propose de qualifier les erreurs comme étant positives (qui témoignent de bonnes stratégies de lecture) ou négatives (qui témoignent de stratégies inappropriées).

Les erreurs positives sont :

  • – omission de mots, insertion de mots, inversion de séquence de mots, ponctuation ignorée pour autant que le sens ne soit pas affecté
  • – répétition d’un mot ou d’une partie de mot (témoigne généralement d’un essai d’accès au sens)
  • – autocorrection d’erreurs

Les erreurs négatives sont :

  • – omission de mots, insertion de mots, inversion de séquence de mots, ponctuation ignorée si le sens est affecté
  • – refus de lire un mot (témoigne de l’absence d’utilisation du décodage, du contexte, etc.)

Il faut également tenir compte de l’adéquation de l’intonation en général : si elle « sonne » naturelle, cela montre généralement que le texte est bien compris ; si elle « sonne » atone ou guindée, cela témoigne généralement de difficultés.

Utilisation des résultats

Il est important d’utiliser les forces que vous avez mises en évidence tout en encourageant l’utilisation de stratégies positives sous-exploitées. Voici quelques exemples de domaines sur lesquels vous pourriez travailler :

  • – aider à utiliser davantage le contexte
  • – faire plus attention à la ponctuation
  • – améliorer les habiletés de décodage
  • – améliorer « l’auto vérification » et encourager l’autocorrection
  • – améliorer la fluence
  • – améliorer la compréhension
Vous pouvez également vous rendre compte que vous devez encourager l’élève à supprimer temporairement une stratégie surexploitée (typiquement la surexploitation du contexte) pour encourager l’utilisation d’autres stratégies (dans ce cas, le système de décodage et/ou d’accès direct).

Par ailleurs, vous pouvez utiliser un ou plusieurs textes examinant la compréhension afin de répondre à des questions précises telles que :

  • – vérifier un éventuel problème avec les textes expositifs (qui pourrait expliquer par exemple un problème accru en sciences), en comparant la compréhension d’un texte narratif et celle d’un texte expositif de même niveau ;
  • – vérifier un éventuel problème avec les sujets non familiers : en comparant un texte pour lequel les connaissances préalables de l’élève sont étendues et un texte de même niveau pour lequel les connaissances préalables sont faibles ;
  • – vérifier un problème de compréhension en lecture silencieuse : en comparant le temps de lecture et le degré de compréhension d’un texte lu à haute voix avec ceux d’un texte lu silencieusement (le temps de lecture silencieuse devrait être inférieur au temps de lecture à haute voix) ;
  • – vérifier si les problèmes de compréhension sont liés au traitement du langage écrit ou sont plus généraux : en comparant les performances de rappel et de compréhension d’un texte lu par l’enseignant et celles du même texte lu par l’élève.