3.1.1 En pratique

Promouvoir l’inclusion au quotidien au sein de la classe

Dans le cadre des activités faisant intervenir le langage écrit, les élèves dyslexiques éprouveront de grandes difficultés et risquent de se retrouver en situation d’échec répété. Ces échecs les mèneront à penser qu’ils sont stupides et qu’ils n’ont aucune valeur. Ils risquent de finir par ne plus lever la main pour répondre aux questions et ainsi de ne plus participer en classe, ce qui ne fera qu’augmenter leur isolement et leur marginalisation. Les enfants sont parfois très cruels entre eux, et les élèves dyslexiques sont des « victimes » faciles.

Par ailleurs, les élèves dyslexiques ont souvent besoin de plus de temps que les autres pour répondre aux questions orales. Chez certains, ceci résulte du fait qu’avant de répondre, ils doivent traiter et comprendre exactement la question, ce qui nécessite un effort parfois important. D’autres, même s’ils ont vite compris la question et connaissent la réponse, auront besoin de plus de temps que leurs pairs non dyslexiques pour retrouver cette réponse en mémoire. D’autres encore se « bloqueront », tellement ils craindront de fournir une mauvaise réponse et de se ridiculiser, à nouveau, devant leurs pairs.

Il est donc essentiel de mettre en place des stratégies afin d’éviter ce cercle vicieux par lequel l’élève dyslexique finirait par perdre toute estime de soi et par participer de moins en moins à la vie de la classe par peur de s’exposer aux moqueries.

Ecoutez le témoignage de Barbara, la mère d’Elena, à ce sujet.

Promouvoir le respect

De manière générale, il est essentiel de promouvoir le respect mutuel et d’éviter les moqueries en organisant, le plus tôt possible dans l’année scolaire, une discussion dans la classe sur la différence et sur la tolérance envers la diversité. Selon l’âge et le type de population que vous aurez dans votre classe, vous pourrez démarrer la discussion sur les différences de couleurs de peau, de couleurs d’yeux, de couleurs de cheveux, de sexe, de religions, etc. Peut-être pouvez-vous rappeler combien des discriminations injustes ont été (et sont toujours) opérées sur base de ces différences.

Un outil devenu célèbre dans le monde des difficultés d’apprentissage est la fable écrite dans les années 40 par George Reavis, directeur des Cincinnati Public Schools aux Etats-Unis, appelée « L’école des animaux ». Au fil des années, des variantes de cette fable ont été écrites, mais le message est le même : nous sommes tous différents et nous présentons chacun des forces et des faiblesses différentes, que le système d’éducation doit exploiter plutôt que négliger.
PDF iconVoici une adaptation française de cette fable.

Il est également important de faire comprendre aux élèves que les différences ne sont pas toujours « à l’extérieur » mais parfois aussi « à l’intérieur ». Vous pouvez alors discuter des avantages et des inconvénients des différences cachées par rapport aux différences visibles.

Il peut être plus judicieux de susciter la réflexion et la discussion en partant d’autres témoignages, et de laisser la liberté aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage d’ajouter le leur, ou non. Dans cette perspective, un outil intéressant car écrit par des enfants pour des enfants est le dossier du Journal des Enfants consacré à la dyslexie. Ce dossier comporte des témoignages d’élèves dyslexiques et de leurs camarades de classe, ainsi qu’un tas d’autres informations et ressources concernant la dyslexie.
PDF iconPour télécharger ce dossier, cliquez ici.

Vous trouverez également ce dossier, ainsi que des informations additionnelles relatives à la dyslexie, sur le site du Journal des Enfants.

Quelle que soit l’approche que vous utiliserez, le message indispensable à transmettre à la classe est que les élèves dyslexiques ont un niveau intellectuel correspondant à leur âge chronologique, donc à celui des autres élèves, même si fonctionnellement ils ne semblent pas l’avoir en raison de leurs difficultés avec le langage écrit et parfois avec le langage oral.

Tous les enfants ont des forces et des faiblesses. Les élèves dyslexiques, malgré leurs difficultés avec le langage écrit, peuvent présenter des talents exceptionnels dans les domaines de l’art, des sports ou des technologies.

Préserver l’estime de soi

Il est indispensable de mettre en place des stratégies que vous devriez appliquer au quotidien dans la classe afin de préserver et de renforcer l’estime de soi des élèves dyslexiques. « Si le courage s’en va, tout est perdu » (« All goes if courage goes »).

ACTIVITE 16

Avec votre partenaire de cours, et gardant à l’esprit que les élèves dyslexiques ont généralement besoin de plus de temps que leurs pairs pour répondre, tentez de trouver au moins trois activités, stratégies ou comportements afin de :

  • (1) promouvoir la prise de risques dans la classe (inciter les élèves à participer et à lever le bras même s’ils doutent de leurs réponses)
  • (2) « aider » les élèves dyslexiques à donner des réponses correctes
  • (3) éviter de mettre les élèves dyslexiques en échec devant leurs pairs
  • (4) renforcer l’estime de soi des élèves dyslexiques en classe
  • (5) préserver l’estime de soi des élèves dyslexiques dans les évaluations

Comparez vos réponses avec nos quelques suggestions, dont certaines sont reprises d’une liste de conseils émis par des enseignants et associations confrontés à des individus ayant des difficultés d’apprentissage, et rassemblés par Susan van Alsenoy, membre de l’équipe de Consultance de Dyslexia International.

Promouvoir la prise de risques en classe

  • discutez la valeur de produire une erreur comme moyen d’apprendre, à la fois pour l’élève qui l’a commise, mais aussi et surtout pour les autres élèves de la classe qui auraient pu la commettre, et organisez un débat autour de la question : « Qu’est-ce que je peux faire, et qu’est-ce que les élèves peuvent faire, de manière à ce que personne n’ait peur de faire des erreurs ? » ;
  • dans la même optique, remerciez les élèves quand ils produisent une « bonne » erreur (une erreur « courante », ou « logique » si vous posez une question-piège), et incitez les autres élèves à le remercier également ;
  • encouragez la prise de risques en expliquant aux élèves que vous préférez des élèves qui se trompent plutôt que des élèves qui se taisent (les élèves «  trop silencieux » sont souvent ceux qui ont décroché), tout en ayant mis en place des stratégies afin de réagir positivement aux réponses erronées. Nous pensons qu’il faut éviter à tout prix le mot « non », que vous pouvez remplacer par « ce serait vrai si… », « c’est une réponse intéressante mais… », « bien essayé », « tu n’es pas loin », « ce que tu as dit est correct mais répond à telle question, alors que j’ai demandé ceci », etc ;
  • encouragez les élèves à poser des questions et apprenez-leur comment faire. Par exemple, vous pouvez demander « quelle question pourrait suivre ce que je viens de dire ? » ; « que devriez-vous encore savoir pour comprendre ce que j’ai dit ? ». Vous pouvez également inverser les rôles sous forme de jeu en laissant les élèves vous poser les questions sur la matière, et éventuellement produire des erreurs voulues qu’ils devraient tenter de détecter ;
  • reconnaissez et soulignez vos propres erreurs et vos lacunes plutôt que de les cacher, cela incitera les élèves à faire de même. Par exemple, si vous ne savez plus s’il faut un ou deux « r » dans « mourir » ou dans « nourrir », demandez à un élève de vérifier au dictionnaire ; si vous vous lancez dans une explication et que vous avez un « trou de mémoire », dites-le et regardez vos notes ; si vous vous rendez compte d’avoir produit une erreur, dites-le en utilisant de l’humour et par exemple en ajoutant « comme cette matière est compliquée », etc ;
  • si l’élève dyslexique lève son bras rapidement après que vous ayez posé une question, interrogez-le.

« Aider » les élèves dyslexiques à fournir de bonnes réponses

  • une technique souvent salvatrice pour les élèves dyslexiques est de les prévenir que vous allez les interroger afin de leur laisser plus de temps. Ainsi, vous pouvez prévenir Antoine, dyslexique, que vous allez l’interroger en lui disant : «  Antoine, nous allons citer tous les continents (ou les opérations mathématiques, ou quelque liste que ce soit). Tu vas devoir me donner un élément de la liste, mais d’abord je vais demander à Thierry d’en donner un. Vas-y, Thierry. Maintenant à toi, Antoine » (issu du film de Rick Lavoie : How difficult can this be?) ;
  • dans la même optique, laissez plus de temps aux élèves dyslexiques pour répondre sans les embarrasser (par exemple en effaçant le tableau ou en vous promenant dans la classe, mais pas en vous postant face à eux). Si vous laissez généralement 5 secondes aux élèves pour répondre, considérez de laisser 10 secondes aux élèves dyslexiques. S’ils ne répondent pas après ce temps, évitez de les embarrasser et reposez la question à un autre élève en disant à l’élève dyslexique que vous lui poserez une autre question après ;
  • lorsque les élèves font une activité individuelle, regardez discrètement à quelle(s) question(s) l’élève dyslexique a répondu correctement, puis lors de la correction collective posez-lui cette (ces) question(s) ;
  • quand vous donnez des consignes pour une activité individuelle, tenez-vous près de l’élève dyslexique, vérifiez discrètement s’il fait ce que vous avez demandé et signalez-lui discrètement et si possible d’abord par des signaux non verbaux s’il se trompe.

Eviter de mettre les élèves dyslexiques en échec devant leurs pairs

  • ne faites jamais lire un élève dyslexique à haute voix devant toute la classe, sauf s’il le demande ;
  • n’envoyez jamais un élève dyslexique au tableau pour lui faire écrire à la craie (difficile à manipuler, surtout pour les élèves ayant des difficultés motrices associées), sauf s’il le demande ;
  • ne demandez jamais à un élève dyslexique d’épeler un mot oralement, sauf s’il le demande.

Renforcer l’estime de soi des élèves dyslexiques en classe

  • encouragez les élèves dyslexiques à rivaliser avec eux-mêmes plutôt qu’avec les autres, et ne les comparez pas avec les autres élèves ou avec leurs frères et/ou sœurs. Pour ce faire, aidez-les à visualiser leurs progrès au moyen de listes de vérification, de graphiques montrant leur progression au fil de l’année, ou d’autres moyens visuels ; et à se poser la question « ai-je mieux fait cette semaine que la semaine passée ? »
  • en tout temps, évitez d’utiliser des sarcasmes, des critiques, ou de porter l’attention sur les besoins spécifiques des élèves dyslexiques devant leurs pairs. Sachez que ces élèves vont agir et travailler significativement mieux s’ils sont encouragés et lorsque leurs résultats positifs sont pris en considération et mentionnés ;
  • rappelez aux élèves dyslexiques les domaines dans lesquels ils excellent devant toute la classe. Tous les efforts doivent être entrepris pour développer leurs aptitudes supérieures, que ce soit en musique, en sport, en dessin, en technologie, en science ou en théâtre ;
  • demandez à tous les élèves de faire une liste des choses qu’ils sont capables de faire le mieux (par paires) ;
  • reconnaissez les efforts que les élèves dyslexiques déploient pour atteindre un but (ex. « je vois que tu as travaillé dur pour y arriver », etc.) ;
  • encouragez l’attente de la réussite en ayant des objectifs bien établis : dites aux élèves exactement ce que vous attendez d’eux, combien de temps ils doivent lire silencieusement, combien de questions ils doivent traiter, combien de mots ou de paragraphes ils doivent écrire dans le temps imparti. Donnez discrètement des consignes « allégées » aux élèves dyslexiques, comme lire la première moitié du texte, répondre à la première moitié des questions, écrire moins de mots ; afin qu’eux aussi puissent atteindre les objectifs fixés et se sentir valorisés comme les autres ;
  • de manière plus générale, donnez discrètement des tâches plus courtes aux élèves dyslexiques, par exemple lire moins d’un texte ou écrire moins de mots, de telle manière à ce qu’ils ressentent qu’ils peuvent réaliser ce qui est demandé et qu’ils puissent se sentir égaux face aux autres ;
  • entraînez-vous à « repérer » les moments où les élèves dyslexiques sont bons, et félicitez ces comportements en public ;
  • reconnaissez les frustrations des élèves dyslexiques.

Préserver l’estime de soi des élèves dyslexiques dans les évaluations

    • bannissez la couleur rouge de vos évaluations ;
    • ne pénalisez pas les élèves dyslexiques pour l’orthographe, la présentation ou la rédaction de leurs travaux ou évaluations, sauf si l’évaluation concerne l’orthographe ou la rédaction. Focalisez-vous sur les contenus, non sur la forme ;
    • lorsque vous corrigez, utilisez deux couleurs (sauf le rouge), l’une pour le contenu et l’autre pour l’orthographe et la présentation. Pour l’orthographe, vous pouvez ne marquer qu’une forme d’erreur : orthographe des mots, accords des verbes, ponctuation, etc. ;
    • lorsque vous évaluez l’orthographe, demandez aux élèves dyslexiques de n’écrire que les mots qu’ils pensent connaître, et calculez le nombre de mots correctement orthographiés par rapport au nombre de mots écrits (plutôt que par rapport au nombre de mots total) ;
    • évaluez leur travail en leur présence autant que possible (asseyez-vous à côté de l’élève) et évaluez positivement : cochez les « bonnes » parties du travail ;
    • lorsque vous évaluez, spécifiez les habiletés maîtrisées par l’élève, plutôt que de lui donner « des points » ;
    • expliquez aux élèves que leur valeur en tant que personne n’est pas liée aux résultats de leurs évaluations ou à leur performance pour un devoir particulier ;
    • encouragez les élèves dyslexiques à chercher de l’aide lorsqu’ils ne s’en sortent pas (pairs, parents, « maison », « spécialistes », etc. ; en fonction du type de difficultés) ;
    • gardez en tête que les élèves dyslexiques devront faire plus d’efforts et prendront plus de temps pour effectuer les tâches que leurs pairs non dyslexiques. Ainsi, comme pour les activités collectives en classe, allégez leurs devoirs, par exemple en les autorisant à faire un problème sur deux, ou à utiliser un chronomètre et tirer une ligne sur le reste de leur devoir après X minutes d’attention soutenue (ceci nécessite probablement l’implication des parents ou de la « maison », et/ou des « spécialistes »).

En d’autres mots, limitez la quantité de devoirs à un certain temps de travail productif plutôt qu’à une certaine quantité de matière. Demandez aux élèves dyslexiques, ou à la « maison », ou aux « spécialistes » qui accompagnent l’élève, de noter le temps passé sur chaque devoir, de telle manière à pouvoir contrôler le temps passé à travailler après l’école et à viser « des limites raisonnables »