3.3.4 Compréhension

Pour enseigner la compréhension de textes

Comme mentionné dans la section 1, généralement, la cause majeure des difficultés de compréhension chez l’enfant dyslexique est liée au manque de rapidité et d’automatisation des mécanismes d’identification des mots.

Dans cette perspective, il est très important d’éviter à tout prix « l’effet Matthieu », initialement décrit par Keith Stanovitch, c’est-à-dire cet effet par lequel « les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent » (voir glossaire). Au fil du temps, la situation des enfants dyslexiques risque de s’aggraver s’ils lisent de moins en moins alors que leurs pairs, eux, liront de plus en plus. En effet, les dyslexiques se mettront justement dans les conditions dans lesquelles ils ne pourront pas développer les habiletés qui leur posent des difficultés de compréhension (automatisation des mécanismes d’identification des mots). Il faut donc tenter d’encourager ces élèves en difficulté à lire le plus possible, et à apprécier les livres, par exemple :

  • – en leur donnant le temps de marquer les mots longs ou difficiles des textes (voir plus haut), afin de leur permettre de libérer des ressources cognitives et attentionnelles pour la construction de la signification de ce qui est lu ;
  • – en les exposant à des livres bien illustrés leur permettant de suivre le sens de l’histoire grâce aux images s’ils butent sur certains mots ;
  • – en leur faisant lire deux livres dont l’un correspond à leur niveau de lecture et l’autre rencontre leurs intérêts personnels ; ce dernier étant à lire avec ou par l’enseignant/parent/frère/sœur/pair et servant davantage à la discussion orale ;
  • – en leur présentant des livres de niveau légèrement inférieur à leurs habiletés de lecture ;
  • – en leur présentant des livres enregistrés, qu’ils pourront écouter tout en les lisant ;
  • – en lisant un paragraphe sur deux avec eux pour partager et leur permettre de se reposer ;
  • – en lisant en même temps qu’eux et à leur rythme (lecture en paires), puis en baissant la voix progressivement lorsque leur confiance augmente et leur permet de continuer seuls ;
  • – en leur relisant les livres qu’ils connaissent par cœur et qu’ils aiment bien tout en suivant les mots avec le doigt et en leur demandant de participer à la lecture ;
  • – en les incitant à créer leurs propres livres
  • – en faisant de la lecture une activité de partage (ex. chacun lit un paragraphe à tour de rôle, et chaque paragraphe est commenté et discuté)
  • – en exploitant, lorsque c’est possible, les logiciels destinés à faciliter la lecture et la compréhension (voir plus loin) ;
  • – bref, en leur faisant comprendre, à votre manière, que « lire des histoires, c’est comme être capable de conduire une navette spatiale dans les étoiles et de visiter des planètes fantastiques pleines d’aventures de toutes sortes » (Rick Lavoie, spécialiste international en dyslexie)

Les techniques spécifiques que vous pouvez utiliser afin d’aider les élèves dyslexiques, et les autres, pour la compréhension de textes varieront fortement selon l’âge des élèves, les besoins spécifiques de ces élèves, ainsi que la nature du matériel écrit (texte narratif ou expositif, court ou long, comportant des titres et sous-titres ou non, etc.). Les quelques suggestions qui suivent sont donc très générales.

Tout d’abord, si vous présentez des textes que vous éditez vous-même, veillez à rendre leur présentation aussi claire et aussi aérée que possible en utilisant une police facilement lisible. On conseille généralement d’utiliser la police Comic sans MS ou Arial (qui sont des polices en écriture imprimée sobres, et qui sont souvent celles rencontrées dans les bandes dessinées), ou Lucida Casual (qui est une police en écriture cursive sobre) ; et d’éviter la police Times New Roman (cette police en écriture imprimée est beaucoup moins sobre et moins aérée que la police Comic sans MS). Par ailleurs, on conseille d’utiliser la taille de police 14, et de marquer clairement les différent(e)s phrases ou paragraphes (une phrase par ligne, un espace entre chaque paragraphe). Enfin, pour certains élèves il est préférable de laisser un double interligne entre chaque ligne du texte.

Ceci est également valable pour les feuilles de réponses à des questions : laissez beaucoup de place pour les réponses, tracez des lignes qui permettront d’écrire plus aisément et de manière lisible.

Donner suffisamment d’informations contextuelles


Il est important d’introduire les textes que les élèves devront lire.

Comme déjà mentionné, certains élèves dyslexiques éprouvent des difficultés à faire spontanément des liens entre ce qu’ils connaissent et ce qu’ils doivent apprendre. Pour eux, il est important que ces liens soient faits explicitement (apprentissage direct).

Dès lors, lorsque vous présentez un texte, il est important d’activer les connaissances préalables des élèves. Par exemple, vous pouvez lire le titre du texte et organiser une session de « remue-méninges » concernant le sujet dont le texte va parler et les connaissances préalables des élèves sur ce sujet. De cette manière, tous les élèves pourront bénéficier d’un certain bagage de connaissances sur le sujet traité dans le texte, qui les aidera à mieux le comprendre.

Par ailleurs, il est important d’amener les élèves à réaliser une prédiction de ce dont le texte va parler. Cette technique favorise la création d’une interaction active entre le lecteur et le texte. Elle agit également comme moyen d’autocorrection : l’élève doit considérer les éléments qui l’amènent à émettre les prédictions, lire le texte afin de voir si ces prédictions se confirment ou non, et réviser ses prédictions initiales si nécessaire.

Promouvoir une interaction entre l’élève et le texte

Pendant la lecture, il est important d’induire les élèves à maintenir une interaction active avec le texte, par opposition à une lecture passive.


Dans cette perspective, Lunzer et Gardner ont développé dans les années 80 une série d’activités visant à développer la compréhension de textes, et collectivement connues sous le nom de DARTs (pour « Directed Activities Related to Texts » ; «  Activités dirigées liées aux textes »).

Schématiquement, ces activités concernent soit la reconstruction du texte, soit l’analyse d’un texte.

Voici quelques exemples d’activités de reconstruction d’un texte :

  • – complètement (ex. ajouter des mots manquants)
  • – séquençage (ex. remettre les paragraphes d’un texte dans le bon ordre)
  • – groupement (ex. grouper des parties de textes selon des catégories)
  • – complètement de tableaux (ex. compléter des cases comportant des titres ou des questions à partir du texte)
  • – complètement de diagrammes (ex. compléter ou nommer un diagramme à partir du texte)
  • – prédiction (ex. écrire la suite ou la fin d’un texte)

Ce dernier type d’activités peut s’appliquer aisément à de nombreux textes. Ainsi, si le texte est structuré en paragraphes ou en parties et se prête à la prédiction, vous pouvez inciter les élèves à faire une pause entre chaque paragraphe ou partie et à émettre une prédiction sur le paragraphe suivant ou la partie suivante sur base de ce qu’ils ont lu dans le paragraphe précédent ou la partie précédente. Ainsi, pour chaque paragraphe ou partie, les élèves écriront une prédiction, liront le paragraphe ou la partie en cherchant les éléments qui confirment ou infirment cette prédiction, puis corrigeront leur prédiction en fonction de ce qu’ils ont compris. En plus de créer une interaction active avec le texte, cette technique permet aux élèves de vérifier leur compréhension de chaque partie du texte (autocorrection) au fil de la lecture. Idéalement, ce type d’activités pourrait se faire par paires ou en petits groupes.

Voici quelques exemples d’activités d’analyse d’un texte :

  • – marquage (ex. trouver et souligner les parties du texte contenant un type d’information précis)
  • – segmentation et étiquetage (ex. diviser le texte en parties et trouver un titre pour chaque partie)
  • – construction de tableaux (ex. faire un tableau et décider du nombre de lignes et colonnes en fonction du texte, puis remplir les cellules)
  • – construction de diagrammes (ex. élaborer un diagramme qui explique le sens du texte)
  • – questionnement (ex. répondre aux questions de l’enseignant ou développer des questions sur le texte)
  • – résumé (voir plus loin)

Parmi ces activités, le questionnement peut aussi s’appliquer aisément à de nombreux types de textes. Si le texte s’y prête, vous pouvez demander aux élèves de faire des pauses pour formuler des questions après avoir lu chaque paragraphe ou partie, par exemple « qu’ai-je déjà appris ? » ou « à quelle question répond ce que je viens de lire ? ». Vous pouvez alors faire suivre la lecture du texte par une activité par paires, où un élève pose les questions qu’il a formulées pour chaque paragraphe ou partie du texte, et l’autre répond à ces questions.

Fournir des grilles structurées d’analyse des textes

Par ailleurs, de nombreux enfants, dyslexiques ou non, bénéficieront de grilles d’analyse leur permettant de repérer les informations importantes du texte. S’il s’agit de textes narratifs, les enfants dyslexiques pourraient avoir à leur disposition une liste de mots (ex. le lieu, les gens, ce qu’ils font, le point culminant, la résolution, la fin) ou de questions (ex. qui ? quoi ? quand ? pourquoi ? où ? comment ? etc.) en tout temps.

Vous devriez adapter ces mots ou questions en fonction du type de texte que vous présentez, et inciter les élèves à trouver les passages du texte qui correspondent à ces mots ou questions.

Ceci les aidera à structurer et donc à comprendre le texte.

Utiliser des techniques de visualisation

An earAn eyea hand

Pour parvenir à la signification, beaucoup d’élèves dyslexiques seront aidés si l’information à comprendre est multi-sensorielle. Les mots de la page doivent donc devenir des images et des sons, des odeurs, des goûts et des sentiments.

Flecker et Cogan proposent d’utiliser des techniques de visualisation, qui stimulent ces associations multisensorielles. La visualisation comporte quatre étapes :

  • – lire le texte une première fois pour avoir une idée générale
  • – relire le texte et choisir des événements ou des images que l’on peut visualiser
  • – dessiner des illustrations représentant les séquences choisies
  • – décider quel est l’événement principal et le dessiner

La visualisation favorise la compréhension des textes ainsi que leur mémorisation, du moins si ce qui devrait être retenu est reflété dans les illustrations réalisées par les élèves.

En effet, on peut alors demander aux élèves de décrire l’histoire au moyen de ces illustrations. Enfin, les élèves relisent le texte et visualisent les illustrations mentalement tout en lisant. Cette technique permet aux élèves d’apprendre progressivement à s’arrêter et à visualiser tout en lisant, de manière à ce qu’ils comprennent et retiennent.

Par ailleurs, laisser les élèves écouter un texte tout en le lisant leur permet de visualiser et donc d’encoder des images en mémoire. Cette capacité peut s’améliorer fortement avec l’apprentissage et la répétition de telles expériences.

Utiliser des cartes heuristiques, à savoir « mind maps »

An earAn eyea hand

En outre, certains élèves dyslexiques ont des difficultés avec la manière linéaire dont nous avons généralement appris à structurer (et mémoriser) les informations en titres et en sous-titres, par exemple :

1. CHAPITRE 1

a. Première partie

i. Première section

Dans cette perspective, une autre technique multisensorielle favorisant notamment la compréhension de textes est l’utilisation de cartes heuristiques (« mind mapping »). Il s’agit de représentations graphiques non linéaires d’idées et de relations entre ces idées ; de plans schématiques -comportant des mots-clés et des flèches, ainsi que divers autres indices comme des couleurs, des indices spatiaux, etc.

Cette technique a été développée par Tony Buzan et est de plus en plus reconnue dans de nombreux domaines, y compris celui de l’éducation, comme un outil très pertinent pour aider à la réflexion et à l’apprentissage. Pour les enfants dyslexiques, cette technique est d’autant plus appropriée qu’elle constitue une méthode multisensorielle faisant appel à diverses dimensions (visualisation, associations d’idées, utilisation de couleurs, d’illustrations, de mots-clés, etc.). Les cartes heuristiques peuvent servir dans de nombreux domaines dans lesquels l’enfant dyslexique présente des difficultés, notamment structurer et résumer un texte pour le comprendre (ou pour le rédiger).

Pour obtenir davantage d’informations concernant les cartes heuristiques, vous pouvez consulter divers sites Internet consacrés à ce sujet. En particulier, nous vous conseillons vivement de consulter le site educnet (Ministère de l’Education Nationale, France), dédié à l’usage des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation (TICE), qui fournit tout un dossier portant sur les cartes heuristiques (exemples, ressources, résultats d’enquêtes menées auprès d’élèves ayant utilisé cet outil, etc.).

Par ailleurs, sur le site créativité.net, Nicole Cournoyer présente des exemples de cartes 
heuristiques, ainsi qu’une illustration de leur utilisation. Sur ce site, vous trouverez également une illustration de construction de carte heuristique étape par étape, ainsi que des informations sur les ouvrages de référence écrits par Tony Buzan à propos des cartes heuristiques.

Notez enfin que pour certains élèves dyslexiques, le contraste du noir sur le blanc peut les gêner dans la lecture. Dans ce cas, utilisez pour la lecture une chemise en plastique transparente de couleur (essayez différentes couleurs et interrogez l’élève afin de savoir celle qui lui convient le mieux) que l’élève pourra poser sur le texte pour atténuer ce contraste.