Pour enseigner la lecture

Pour des raisons de clarté, nous avons considéré la lecture et l’écriture dans ce qui suit sous les quatre titres « lecture », « orthographe », « compréhension », et « composition », mais, comme vous le verrez, certaines techniques et outils peuvent s’appliquer à différents domaines.

Dans le cadre des activités faisant intervenir le langage écrit, les enfants dyslexiques éprouveront de grandes difficultés et risquent de se retrouver en situation d’échec répété.

Ainsi, avant de présenter ces techniques, nous suggérerons deux principes visant à éviter ces situations, et ne pas les confronter à leurs échecs de manière potentiellement dévalorisante ou humiliante. Ces principes s’appliquent à l’ensemble des enseignements décrits par la suite.

Travailler « en structure »

Un principe pratiqué dans de nombreuses méthodes multisensorielles est le travail « en structure », qui consiste à ne présenter aux enfants que des mots ou phrases, à lire ou à orthographier, dont ils ont appris toutes les correspondances par des liens multisensoriels.

Le travail « en structure » est essentiel pour les élèves dyslexiques, et ne peut qu’être bénéfique pour l’ensemble de la classe. En effet, il s’agit d’une sorte de contrat tacite entre l’enseignant et les élèves par lequel les élèves sentiront ou sauront que l’enseignant ne leur demandera pas d’effectuer des tâches pour lesquelles ils ne disposent pas de toutes les connaissances nécessaires. Ainsi, les élèves se sentiront en confiance avec l’enseignant ; ils risquent moins de se retrouver dans des situations d’échec et de perdre l’estime de soi.

Utiliser des techniques « d’autocorrection »

Par ailleurs, une manière de ne pas confronter les élèves à leurs erreurs « au moyen d’un bic rouge » est de préparer des outils et d’induire des comportements d’autocorrection, conjointement aux activités qui leur sont proposées.

Ce principe permet aux élèves dyslexiques de ne pas se retrouver continuellement dans des situations dévalorisantes dans lesquelles l’enseignant devrait dire « non, c’est faux ».

Ensuite, le fait d’inciter les élèves à découvrir et à corriger eux-mêmes leurs propres erreurs les responsabilise par rapport à leurs apprentissages et nourrit ainsi :

  • – leur estime de soi et leur confiance en soi (« je suis capable de le faire »)
  • – le développement de motivations internes à apprendre, au détriment des motivations externes (« je veux apprendre pour moi-même », cf. première partie de cette section)
  • – leur autonomie (« je dois gérer mes apprentissages », « quels outils m’aideront à le faire ? »)
  • – leurs habiletés métacognitives (« maintenant je sais comment éviter de faire la même erreur la prochaine fois »)

Des outils d’autocorrection peuvent être fournis aux élèves pour une multitude d’activités. Par exemple, des feuilles d’autocorrection peuvent facilement être préparées pour les exercices de poursuite et de discrimination auditive (lorsqu’il faut entourer les images dont le nom comporte le « son » cible) accompagnant l’enseignement multisensoriel des correspondances « lettre » – « son ».

Sur ces feuilles, qui sont simplement des photocopies des feuilles d’exercice, toutes les « lettres » cibles ou toutes les images comportant le « son » cible seront entourées. Vous pouvez alors demander aux élèves de vérifier s’ils ont bien « attrapé » toutes les « lettres » (ou les images), soit en les comptant, soit (plus rapide) en superposant les deux feuilles et en les levant vers une source de lumière afin qu’ils voient par transparence s’ils ont oublié des « lettres » ou des images.

Le domaine pour lequel il est également facile, et souhaitable, de donner aux élèves dyslexiques des feuilles d’autocorrection, est l’orthographe de mots ou de phrases (voir plus loin).

Grouper les mots en « familles »

An earAn eyethe throat

Puisque chaque enfant apprend de sa propre manière, toutes les techniques ne sont pas valables pour tous les enfants. Voici quelques suggestions.

Comme le préconisent les méthodes phoniques multisensorielles, il est important de commencer par enseigner des mots comportant des correspondances « lettre » – « son » régulières, c’est-à-dire des mots réguliers, ceci afin de faciliter la mise en place du système de décodage.

Ceci s’applique aux unités plus larges telles que les attaques :

< tr > dans < train >, < traire >, < trois >, …

les rimes

< –ier > dans < herbier >, < trier >, < papier >, …

< –ent > dans < vent >, < tellement >, < souvent >, …

les syllabes finales communes

< –tion > dans < mention >, < portion >, < action >, …

< –sion > dans < mission >, < pension >, < television >, …

Les enfants dyslexiques ont souvent des difficultés à détecter ces régularités spontanément ; c’est pourquoi il est important de les leur enseigner explicitement.

Une technique souvent utilisée pour la lecture et l’écriture est d’entraîner les élèves à grouper systématiquement les mots en familles, c’est-à-dire à détecter des récurrences et des analogies, idéalement au moyen d’un ensemble de couleurs, par exemple dans des mots comme < bain >, < main >, < train > ou < tas >, < pas >, < vas >, qui comportent la même rime phonologique et orthographique, et qui devraient être entourées dans la même couleur.

Cette technique est importante car elle développe l’analyse phonologique et la mémoire.

Elle développe également les habiletés métacognitives de manière à ce que lorsque les élèves sont confrontés à des mots moins fréquents (ex. < vain > ou < ras > ils puissent faire les associations avec les familles correspondantes.

1) Dans un premier temps, nous vous conseillons de présenter aux élèves des feuilles d’activités comportant des « familles » de mots, une famille par feuille, et de leur demander explicitement, pour chaque famille, de lire chaque mot puis de souligner ou d’entourer la partie commune à tous les mots. Idéalement, les élèves devraient utiliser une couleur différente pour chacune des « familles ».

2) Puis, vous pouvez présenter des activités dans lesquelles différentes « familles » de mots déjà enseignés sont mélangées, et demander aux élèves de classer ces mots, ou d’« aider chaque mot à retrouver sa famille ».

3) Enfin, vous pouvez présenter des activités dans lesquelles sont présentés des mots non enseignés (mais dont toutes les correspondances ont déjà été enseignées – cf. travail « en structure »), et inciter les élèves à découvrir à quelle «  famille » connue chaque nouveau mot appartient.

Segmenter les mots longs en unités plus petites

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Au fil de l’apprentissage de la lecture, les élèves seront confrontés à des mots de plus en plus longs et complexes. Certains élèves dyslexiques, et d’autres, éprouveront des difficultés à lire ces mots car ils ne vont pas les segmenter spontanément en unités plus petites qu’ils pourraient identifier.

Ainsi, une autre stratégie utilisée dans plusieurs méthodes multisensorielles consiste à enseigner explicitement aux élèves à segmenter les mots plus longs et plus complexes en unités plus petites, et à marquer ces mots.

Les unités de segmentation peuvent varier fortement selon le niveau de l’élève et ses connaissances de la structure de la langue ; par exemple, le mot peut être segmenté en syllabes (ex. < té-lé-vi-sion >), en mot de base et préfixe et/ou suffixe (ex. < in-croyable-ment >), en « mot plus petit » reconnu dans le mot (ex. < lac > dans < galactique >). Les stratégies de « découpage » des mots doivent se faire selon des unités qui sont proposées par les élèves et non par l’enseignant.

Pour enseigner aux élèves à segmenter les mots longs en unités qu’ils peuvent plus facilement traiter, vous pouvez par exemple écrire ces mots sur de petites cartes et demander aux élèves de les découper « physiquement » avec des ciseaux.

Progressivement, avec la pratique, la segmentation des mots plus longs et plus complexes en unités significatives pourra se faire au moyen d’un crayon.

Par ailleurs, beaucoup d’élèves dyslexiques se sentent « débordés » face à des mots plus longs ou ont des difficultés à ne pas tenir compte de l’ensemble de ces mots, et à les segmenter en unités plus facilement traitables sur lesquelles ils peuvent se concentrer. Vous les aiderez grandement en leur apprenant à « cacher » les parties non traitées de ces mots au moyen de deux petits cartons ou de leurs pouces. Concrètement, l’élève cache la « fin » du mot de manière à ne voir que par exemple la première syllabe, qu’il lit, puis il recule le carton (ou son pouce) de manière à voir la syllabe suivante, qu’il lit, et ainsi de suite jusqu’à la fin du mot. Il pourra alors assembler les syllabes (ou parties du mot) pour parvenir à prononcer le mot entier.

Pour faciliter la lecture des mots longs ou complexes, il est important d’apprendre aux élèves dyslexiques à ne pas seulement segmenter ces mots, mais également à les marquer de manière à rendre leur lecture plus facile et plus rapide. Ce marquage, en plus de faciliter l’identification de ces mots, soulage la mémoire de travail (rétention des parties du mot qui ont déjà été identifiées), et libère des ressources cognitives et attentionnelles qui pourront être utilisées à d’autres fins, en particulier pour la compréhension dans le cadre de phrases et de textes (voir plus loin).

A titre d’exemple, voici le marquage suggéré dans le Dyslexia Institute Learning Programme de Dyslexia Action (Grande-Bretagne) :

  • – souligner les graphèmes complexes qui représentent un seul phonème (ex. < vraisemblable >) ;
  • – barrer les lettres muettes s’il y en a (ex. < chaud >, < trop >, < plomb > etc) ;
  • – encadrer les préfixes et les suffixes (ex. < invraisemblablement >) ;
  • – entourer les syllabes finales régulières qui ont une prononciation constante (ex. < -er >, < -ier >, < -sion >, < -tion >, etc.) ;
  • – si le mot contient < c > pronconcé [ s ] (devant < i >, < e >, ou < y >), ajouter une sorte de cédille de manière à ce que ce graphème « ressemble » davantage à < s > ;
  • – si le mot contient < g > pronconcé [ j ] (devant < i >, < e > ou < y >), ajouter un point au-dessus de ce graphème de manière à ce que ce graphème « ressemble » davantage à < j >).

Les élèves pourraient également marquer d’autres éléments dans les mots longs et complexes (ex. écrire < z > au dessus de la lettre « s » lorsqu ‘elle est précédée et suivie de voyelles, comme dans < maison > ou < oiseau >), selon les difficultés qu’ils éprouvent, ainsi que selon les caractéristiques de ces mots.

Les mots irréguliers ne peuvent être lus complètement au moyen du système de décodage. Il ne faut cependant pas perdre de vue que généralement, ces mots comportent une correspondance irrégulière, alors que les autres correspondances sont régulières (ex. < femme >). Pour aider les élèves à retenir ces irrégularités, il faut les exposer de manière répétée à ces mots afin qu’ils puissent en constituer une représentation orthographique qui leur permettra d’identifier le mot par le système d’adressage.

Il est important de ne pas tenter d’enseigner trop de mots irréguliers à la fois, mais de n’en présenter que quelques-uns, et d’offrir de nombreuses opportunités aux élèves dyslexiques d’apprendre à les lire (à l’école comme à la « maison »). Dans cette optique, les élèves dyslexiques ayant une bonne mémoire visuelle seront aidés si vous écrivez les mots irréguliers sur des cartes, et incitez ces élèves à les identifier le plus rapidement possible. Vous pouvez ainsi créer un « paquet de mots irréguliers », qu’ils pourront pratiquer fréquemment à l’école et/ou à la « maison ».

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