Pages de la Section 3
Trois conditions pour créer l’inclusion au sein de la classe
Afin de rencontrer la politique de l’UNESCO, Henneman, Kleijners & Smits, décrivent la mise en place de trois conditions essentielles :
Condition 1 : L’école devrait avoir une attitude positive envers l’inclusion des élèves dyslexiques
Pour citer Alan Sayles, inspecteur en éducation spécialisée en Irlande, « la dyslexie devrait être comprise et acceptée au sein de l’école comme partie intégrante de la politique scolaire ».
La dyslexie est officiellement reconnue comme un « handicap » dans certains pays seulement. Dans ces pays, les apprenants dyslexiques ont des droits qui incluent par exemple l’utilisation d’un ordinateur, du temps additionnel pour les examens, de l’aide supplémentaire de la part d’un membre de l’équipe scolaire.
Ainsi, récemment, la France a officiellement reconnu la dyslexie comme étant un « handicap », et a déclaré que les enfants et adultes dyslexiques en cours de formation pourraient disposer des adaptations suivantes :
- un tiers de temps en plus ou des conditions de passation spécifiques pour les examens
- un auxiliaire de vie scolaire (une personne qui les aide en classe pour la prise de notes et la compréhension des consignes)
- l’usage de logiciels adaptés (synthèse vocale, reconnaissance vocale) ou d’ordinateurs portables en classe pendant les périodes d’examens
- une allocation de compensation du handicap pour subvenir aux besoins spécifiques
Certaines de ces adaptations vous paraissent peut-être injustes en regard des autres élèves de la classe. Pourtant …
– priveriez-vous un enfant myope de lunettes ?
– priveriez-vous un enfant qui a une jambe cassée de béquilles ?
– priveriez-vous un enfant malentendant de son appareil auditif ?
… certes non. Une notion partagée par de nombreux experts internationaux ainsi que par de nombreux professionnels confrontés à des apprenants présentant des difficultés d’apprentissage est que
« la notion d’équité est souvent mal comprise : l’équité ne signifie pas s’assurer que tous les élèves sont évalués dans les mêmes conditions ou subissent le même traitement, mais s’assurer que chaque élève bénéficie des aides et des adaptations que leurs besoins spécifiques nécessitent afin que leur évaluation reflète leurs potentiels et connaissances. »
Rick Lavoie, expert international en dyslexie
La dyslexie est un « handicap » caché ; elle justifie également le recours à des adaptations spéciales, en particulier lors des situations d’évaluation et d’examen, si vous tenez compte des faits suivants :
– les productions écrites des élèves dyslexiques peuvent refléter un niveau bien inférieur à celui qui correspond à leurs potentiels et connaissances réels ;
– et pourtant, ce que vous examinez durant les évaluations et les examens sont les connaissances des élèves (acquis et compréhension des matières apprises), et non leurs capacités de concentration ou leur niveau d’alphabétisation (sauf lorsque l’évaluation porte sur l’orthographe ou la composition).
Si ces affirmations vous paraissent correctes, alors vous trouverez juste et équitable de demander que des adaptations spéciales soient prévues pour les élèves dyslexiques. Par exemple, un examen oral passé en plusieurs fois serait peut-être plus approprié qu’un examen écrit (voir plus loin). Dans certains cas, quelqu’un d’autre pourrait écrire les productions de l’élève dyslexique.
Condition 2 : Accompagnement continu et global
Ce schéma simplifié représente les acteurs suivants :
- l’élève ;
- « l’école » : la direction, l’enseignant de la classe, et les membres de l’équipe scolaire qui interviennent auprès de l’élève (professeur polyvalent ou de « rattrapage », etc.) ;
- la « maison » au sens large : les parents, d’autres membres de la famille, les amis, les voisins, etc. ;
- les « spécialistes » : le(s) professionnel(s) ayant posé le diagnostic, le pédiatre ou le médecin, le logopède ou le psychologue ou l’enseignant ou le mentor spécialisé dans la dyslexie qui aide l’élève en dehors de l’école, le(s) professeur(s) particulier(s), les associations qui soutiennent les enfants dyslexiques et leurs parents, etc.
Il est important pour tous les partenaires agissant pour le bien-être de l’enfant de travailler ensemble en équipe. De cette manière, vous pouvez mettre en place un plan d’action efficace, harmonieux et rapide.
La transparence et la continuité de la communication avec « la maison » et « les spécialistes » sont essentielles, en particulier lorsque l’élève dyslexique passe d’un enseignant à l’autre, d’une année à l’autre ou d’une école à l’autre.
Le professeur n’est pas et ne doit pas rester seul face aux élèves dyslexiques. Ainsi, des contacts avec le professionnel ayant rédigé le bilan d’évaluation des habiletés de l’élève dyslexique devraient être pris. Ces contacts ne pourront qu’améliorer la qualité des adaptations pouvant être mises en place afin de répondre aux besoins spécifiques de cet élève (voir section 2).
La communication avec les parents ou « la maison » peut être un domaine délicat. Comme nous l’avons abordé à la section 2, « l’étiquetage » peut induire des réactions négatives chez certains enfants et leurs parents, mais des effets positifs dans d’autres familles. Dans tous les cas, les parents auront des réactions de peur et d’anxiété envers le diagnostic posé, se sentiront impuissants et frustrés face aux échecs de leur enfant. Ils se poseront des questions telles que : « que va-t-on faire ? » ; « comment mon enfant va-t-il réussir ? » ; « comment aider mon enfant ? ».
ACTIVITE 15
Analysez attentivement le témoignage du célèbre écrivain Chateaubriand, ainsi que les clips vidéos ci-dessous qui montrent les réactions de deux parents par rapport aux difficultés de leur enfant dyslexique. Supposez que ces réactions soient celles de parents d’enfants de votre classe. Discutez avec votre partenaire de cours des stratégies d’interaction que vous mettriez en place face à ces types de réaction ? Que leur diriez-vous en début d’année scolaire ?
Témoignage de Chateaubriand dans « Mémoires d’outre tombe »:
« On me conduisait chaque matin vers les sœurs Couppart, deux vieilles bossues qui montraient à lire aux enfants. Lucile lisait fort mal. Je lisais encore plus mal. On la grondait; je gifflais les soeurs; de grandes plaintes étaient portées à ma mère. Je commençais à passer pour un vaurien, un révolté, un paresseux, un âne enfin. Ces idées entraient dans la tête de mes parents ».
« On me conduisait chaque matin vers les sœurs Couppart, deux vieilles bossues qui montraient à lire aux enfants. Lucile lisait fort mal. Je lisais encore plus mal. On la grondait; je gifflais les soeurs; de grandes plaintes étaient portées à ma mère. Je commençais à passer pour un vaurien, un révolté, un paresseux, un âne enfin. Ces idées entraient dans la tête de mes parents ».
Comme vous aurez pu le constater, ces témoignages et réactions correspondent à des vécus personnels parfois très différents. On ne peut pas généraliser.
Pour éviter que les parents ou « la maison » ne développent des sentiments négatifs envers vous, il est essentiel d’établir et de maintenir des contacts fréquents avec eux afin de créer un lieu de partage des peurs, des frustrations, certes (vous en aurez aussi), mais aussi des progrès et des succès.
Ce dialogue permet d’éviter bien des problèmes, voire des conflits. Par exemple, si l’élève dyslexique n’a pas eu le temps de noter toutes les consignes relatives aux devoirs qu’il doit faire ou n’emporte pas à la maison tout le matériel nécessaire à l’exécution de ce devoir, il sera incomplet et mal fait. Si ses parents n’ont accès qu’aux informations copiées par l’enfant, ils pourraient en arriver à blâmer l’enseignant.
De nombreux adultes dyslexiques, comme Eric Whoerling dont vous avez lu le témoignage dans la section 1, disent : « Sans mes parents, je n’y serais jamais arrivé ». Si cela est possible, nous vous encourageons à collaborer avec les parents ou plus largement avec « la maison », ainsi qu’avec les « spécialistes » (voir diagramme plus haut). En effet, ces intervenants pourront grandement vous aider dans la mesure où :
- – ils pourront exprimer les difficultés et les besoins de l’élève si celui-ci n’est pas capable de les exprimer lui-même ;
- – ils pourront développer les forces de l’élève en le faisant participer à des activités extrascolaires dans lesquelles il excelle, et ainsi renforcer son estime de soi ;
- – ils pourront permettre, si possible, à l’élève d’accéder à un ordinateur (de manière limitée) afin d’utiliser des logiciels qui pourront l’aider par rapport à des difficultés identifiées, comme la concentration, la mémoire à court terme, l’organisation, etc. (voir plus loin) ;
- – ils pourront vous aider activement dans certains domaines que nous aborderons plus loin dans cette section, par exemple réviser les cartes de lecture et d’orthographe, faire des jeux qui favorisent le développement de la mémoire à court terme, élaborer eux-mêmes avec l’enfant des systèmes lui permettant de mieux s’organiser (plannings, systèmes de codage par couleurs pour les matières, etc.)
Cependant, certains enfants proviennent de familles dont les parents sont eux-mêmes dyslexiques, sont débordés par leur travail, ne parlent pas nécessairement la langue de l’école, ne savent ni lire ni écrire dans cette langue, sont absents ou malades, et donc incapables d’aider leur enfant de manière optimale.
Même dans ces cas, cela vaut la peine d’inviter les parents ou les personnes responsables de l’enfant, ne fût-ce que pour les sensibiliser à la dyslexie, tenter de les impliquer dans l’association des parents s’il y en a une, et surtout leur conseiller de faire appel à de l’aide, tant de la part de la « maison » (frères et sœurs, famille, amis, etc.) que de la part de « spécialistes » (logopède, enseignant spécialisé, professeur particulier, etc.).
Condition 3 : L’enfant dyslexique est central dans l’accompagnement
Comme vous aurez pu le constater, ces témoignages et réactions correspondent à des vécus personnels parfois très différents. On ne peut pas généraliser.
Pour éviter que les parents ou « la maison » ne développent des sentiments négatifs envers vous, il est essentiel d’établir et de maintenir des contacts fréquents avec eux afin de créer un lieu de partage des peurs, des frustrations, certes (vous en aurez aussi), mais aussi des progrès et des succès.
Ce dialogue permet d’éviter bien des problèmes, voire des conflits. Par exemple, si l’élève dyslexique n’a pas eu le temps de noter toutes les consignes relatives aux devoirs qu’il doit faire ou n’emporte pas à la maison tout le matériel nécessaire à l’exécution de ce devoir, il sera incomplet et mal fait. Si ses parents n’ont accès qu’aux informations copiées par l’enfant, ils pourraient en arriver à blâmer l’enseignant.
De nombreux adultes dyslexiques, comme Eric Whoerling dont vous avez lu le témoignage dans la section 1, disent : « Sans mes parents, je n’y serais jamais arrivé ». Si cela est possible, nous vous encourageons à collaborer avec les parents ou plus largement avec « la maison », ainsi qu’avec les « spécialistes » (voir diagramme plus haut). En effet, ces intervenants pourront grandement vous aider dans la mesure où :
- – ils pourront exprimer les difficultés et les besoins de l’élève si celui-ci n’est pas capable de les exprimer lui-même ;
- – ils pourront développer les forces de l’élève en le faisant participer à des activités extrascolaires dans lesquelles il excelle, et ainsi renforcer son estime de soi ;
- – ils pourront permettre, si possible, à l’élève d’accéder à un ordinateur (de manière limitée) afin d’utiliser des logiciels qui pourront l’aider par rapport à des difficultés identifiées, comme la concentration, la mémoire à court terme, l’organisation, etc. (voir plus loin) ;
- – ils pourront vous aider activement dans certains domaines que nous aborderons plus loin dans cette section, par exemple réviser les cartes de lecture et d’orthographe, faire des jeux qui favorisent le développement de la mémoire à court terme, élaborer eux-mêmes avec l’enfant des systèmes lui permettant de mieux s’organiser (plannings, systèmes de codage par couleurs pour les matières, etc.)
Cependant, certains enfants proviennent de familles dont les parents sont eux-mêmes dyslexiques, sont débordés par leur travail, ne parlent pas nécessairement la langue de l’école, ne savent ni lire ni écrire dans cette langue, sont absents ou malades, et donc incapables d’aider leur enfant de manière optimale.
Même dans ces cas, cela vaut la peine d’inviter les parents ou les personnes responsables de l’enfant, ne fût-ce que pour les sensibiliser à la dyslexie, tenter de les impliquer dans l’association des parents s’il y en a une, et surtout leur conseiller de faire appel à de l’aide, tant de la part de la « maison » (frères et sœurs, famille, amis, etc.) que de la part de « spécialistes » (logopède, enseignant spécialisé, professeur particulier, etc.).
– A la perte de moral
Avec la perte de moral, la motivation à apprendre disparaît rapidement. Les enfants dyslexiques sont les premiers à savoir qu’ils sont « différents » : contrairement à leurs pairs, ils éprouvent de grandes difficultés avec le langage écrit et s’en rendent bien vite compte.
Parfois, ils éprouvent également des difficultés avec le langage oral lorsqu’on leur donne des instructions multiples. Pour vous rendre compte combien ces difficultés peuvent être sources de frustrations et de moqueries, regardez attentivement les attitudes et les réactions de l’enseignante et des élèves envers Mark dans ce clip vidéo.
Bien que les élèves dyslexiques aient une bonne compréhension des choses, leur capacité à produire une réponse verbale ou écrite ne reflète pas toujours cette compréhension, ce qui sera de plus en plus frustrant pour eux.
– Aux éventuels comportements pertubateurs
Parfois, le seul recours des élèves dyslexiques pour essayer d’obtenir de l’estime de soi et du respect de leurs pairs sera de faire paraître leurs échecs en classe comme étant intentionnels, par exemple en « faisant le clown », en dérangeant, ou en défiant.
Pour les enfants déjà diagnostiqués comme étant dyslexiques, vous devriez prévoir une période de discussion en tête-à-tête, pour vous assurer qu’ils comprennent que vous êtes à leurs côtés pour collaborer avec eux, pour les guider et pour protéger leurs intérêts afin qu’ils réussissent à l’école. Il est important de passer avec eux un contrat des choses qui vont être mises en place, et des objectifs à atteindre, tant pour les responsabiliser que pour les encourager à faire les efforts nécessaires, et les sortir ainsi d’un rôle de « perturbateur ».
– Aux « bons » et « mauvais » jours de ces élèves
L’enseignant peut être perplexe face aux humeurs et aux performances changeantes des élèves dyslexiques, et peut s’irriter de voir un mot orthographié correctement un jour et non le lendemain, ou même orthographié de manières différentes dans la même production.
Vous devez garder à l’esprit que ni les réponses verbales ni les réponses écrites ne correspondent à ce qui est dans la tête des élèves dyslexiques, et que ces variations font partie intégrante de la condition de dyslexie.
Il faut à tout prix tenter de ne pas tomber dans le piège des motivations externes (ex. leur promettre quelque chose s’ils « font bien », les priver de récréation s’ils « font mal »).
Ces comportements ne vont que réduire la croyance de l’enfant au fait qu’il contrôle sa propre destinée. Par tous les moyens, il faut tenter de développer la motivation interne de l’enfant, c’est-à-dire l’inciter à vouloir faire bien pour lui-même, arriver à gérer son temps et ses apprentissages, et par conséquent (re)gagner l’estime de soi.